mercredi 19 juin 2013

“Il est assez probable que c'est des Hindous que les Égyptiens ont emprunté cet emblème bizarre de quelque divinité chimérique” (Jean-Baptiste Joseph Breton - XIXe s.- à propos du Sphinx de Guizeh)

Le texte qui suit a pour auteur Jean-Baptiste Joseph Breton, dit de la Martinière (1777-1852), grand acteur de la sténographie judiciaire en France, co-fondateur et gérant de la Gazette des Tribunaux.
Il est extrait du volume 5 d’un ouvrage, édité en 1814 : L'Égypte et la Syrie, ou mœurs, usages, coutumes et monuments des Égyptiens, des Arabes et des Syriens. Précédés d’un précis historique. Ouvrage orné de quatre-vingt-quatre planches dont une partie a été exécutée d’après des dessins originaux et inédits, et l’autre d’après l’ouvrage de Louis Mayer ; accompagné de notes et éclaircissements fournis par M. Marcel, Directeur de l’Imprimerie impériale, membre de la commission d'Égypte.


“A une distance d'environ six cents pas à l'est de la seconde Pyramide, se trouve un monument remarquable par sa singularité.
C'est une énorme statue de Sphinx, qui a été sculptée sur le massif même d'un rocher. Son corps a environ quatre-vingt-quatorze pieds de longueur. Il était naguère tout entier enseveli dans le sable, au-dessus duquel sa tête s'élevait d'environ vingt-cinq pieds. Quoique le nez et la lèvre supérieure aient été mutilés par les Barbares, qui s'en sont fait un jeu, la tête porte bien les traits qui caractérisent la figure d'un Éthiopien ou d'un nègre.
Cette circonstance a rendu raison à M. Volney des traits singuliers que présentent les Coptes modernes.
“En considérant, dit-il, le visage de beaucoup d'individus de cette race, je lui ai trouvé un caractère particulier qui a fixé mon attention : tous ont un ton de peau jaunâtre et fumeux, qui n'est ni grec ni arabe ; tous ont le visage bouffi, l'œil gonflé, le nez écrasé, la lèvre grosse ; en un mot, une vraie figure de mulâtre. J'étais tenté de l'attribuer au climat, lorsqu'ayant été visiter le Sphinx, son aspect me donna le mot de l'énigme. En voyant cette tête caractérisée nègre dans tous ses traits, je me rappelai ce passage remarquable d'Hérodote, où il dit : Pour moi j'estime que les Colches sont une colonie des Égyptiens, parce que, comme eux, ils ont la peau noire et les cheveux crépus, c'est-à-dire que les anciens Égyptiens étaient de vrais nègres de l'espèce de tous les naturels d'Afrique; et dès lors, on explique comment leur sang allié depuis plusieurs siècles à celui des Romains et des Grecs, a dû perdre l'intensité de sa première couleur, en conservant cependant l'empreinte de son moule originel.”
Dans le Sphinx colossal, le contour des oreilles est d'une largeur prodigieuse, et monte jusqu'à l'alignement du milieu du front. La tête est couverte d'un chaperon fixé au-dessus du bord des sourcils, mais très large sur chaque côté du visage, et cannelé dans toute son étendue. Le cou est tellement endommagé, qu'il ne reste plus rien de son ancienne forme.
Plusieurs érudits ont pensé que le Sphinx est une figure allégorique, pour exprimer le gonflement des eaux du Nil, aux mois de juillet et d'août, lorsque le soleil passe par les signes du Lion et de la Vierge. En effet, le Sphinx a la tête d'une femme et le corps d'un lion. Mais il faut observer, d'une part, que, lorsque ce monument a été construit, le soleil n'occupait point au solstice le signe où il se trouve aujourd'hui. D'un autre côté, l'on a trouvé dans l'Hindoustan des figures de sphinx, et il est assez probable que c'est des Hindous que les Égyptiens ont emprunté cet emblème bizarre de quelque divinité chimérique.
La situation du colosse, relativement à la seconde Pyramide et à son temple, annonce assez clairement sa liaison avec ces deux monuments. Pline assure que de son temps il existait une communication souterraine entre une des Pyramides et le corps du Sphinx.
On remarque aujourd'hui sur le sommet de sa tête une excavation de quatre pieds huit pouces. Le reste de la profondeur était inconnu, parce que la cavité était engorgée de sable, et l'on croyait qu'il y avait jadis entre le Sphinx et le temple une communication secrète par laquelle un prêtre montait sur la tête du colosse et prononçait des prières, ou rendait des oracles ; mais M. Coutelle, ingénieur français, a entrepris avec succès de déblayer le sable au tour du Sphinx ; on a aperçu le dos et les cuisses. Quelques personnes pensent que la tête seulement du Sphinx a été sculptée sur l'énorme saillie d'un rocher, et que le reste n'a été qu'ébauché.”

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